Expositions photos au CENTQUATRE-PARIS, Mathieu Pernot, Raphaël Dallaporta
Direction le CENTQUATRE-PARIS qui expose jusqu’au 6 janvier 2019 deux photographes aux démarches singulières et intrigantes. Mathieu Pernot et Raphaël Dallaporta sont actuellement invités pour leurs projets respectifs qui se rejoignent en souhaitant visiter des lieux inaccessibles et en souhaitant en garder une trace.
Mathieu Pernot, le regard dans un lieu délaissé
Mathieu Pernot est un photographe diplômé de l’Ecole Nationale de Photographie d’Arles en 1996. Il travaille régulièrement par séries, dans une démarche proche de la photographie documentaire. Il s’attache à montrer des sujets situés aux périphéries de nos sociétés. Lauréat du prix Nadar en 2013 et du prix Niepce en 2014, l’artiste a réalisé 13 ouvrages de ses créations.
On entre dans une salle précédée de rideaux noirs de velours, sont accrochées au mur les photos de la visite du photographe dans la prison de la Santé, à Paris avant sa destruction. Construite en 1867 dans le 14e arrondissement de Paris, elle a connu des prisonniers célèbres, comme Guillaume Apollinaire (1911) ou le gangster Jacques Mesrine. C’est en 2015 que cette maison d’arrêt est détruite pour en construire une nouvelle. Les allées de la prison sont photographiées dans la perspective avec les couleurs qui viennent ponctuer et modifier ce paysage vidé.
Le film qui retrace la visite de Mathieu Pernot dans ce lieu laisse voir son passage dans les murs de la prison, sans parole, sans ajout superflu. Il laisse voir, permet de voir. Il capte l’architecture décrépites les bruits ambiants de la ville. L’artiste se fait le dénicheur des lieux, il décolle soigneusement des images abandonnées des cellules. Tout ce qui reste, ce sont des images, images que va recréer l’artiste en venant filmer également le lieu, et images qu’il va sélectionner et ré-assembler sur les murs du CENTQUATRE-PARIS.
José-Manuel Gonçalvès, directeur du CENTQUATRE-PARIS, dira : « Il donne alors à voir la détention par des gestes que l’on imagine : graver les textes, et dessins à même les portes et murs (…) . »
Les détenus ont imprégnés les lieux par leur passage, l’artiste nous permet d’imaginer, de reconstruire la vie qu’il y a eu dans ces murs, qui nous sont invisibles.
On pense alors à une sorte de palimpseste, souvent différentes couches d’images se sont superposées au fil du temps, laissant alors des marques d’usure et de vieillissement sur celles-ci. Les images cornées et délaissées font écho aux couleurs effritées de la peinture des murs. Cartes du monde, cartes postales, reproductions de tableaux, images de magasines, les images sont réunies par catégories. Ces représentations étaient des modèles, des inspiration venus de l’extérieur, par lesquels les détenus se projetaient. Ils prennent alors une autre dimension lorsque nous les découvrons. Le commissariat de l’exposition a souhaité organiser la déambulation avec un fil conducteur, c’est ainsi que dans la secondes salle, nous retrouvons les images elle-même présente dans le court métrage. A l’extérieur se trouvent des recueils de fragments d’inscriptions qui étaient gravées dans les cellules.
La dernière salle semble relater un temps suspendu. Les photos de destruction de la prison de la santé sont exposées, montrant monticules de meubles, de matériaux, comme si on l’avait vidée par ses fenêtres. Le processus de destruction d’un bâtiment est un moment singulier, qui nous amène à le contempler avec un oeil neuf. De nouvelles couleurs apparaissent, les façades éventrées, la structure métallique du bâtiment est dévoilée, retient des éléments dans le vide…L’artiste était également attaché à exposer les tableaux des détenus réalisées pendant des ateliers d’art plastiques, qu’il a lui même parfois reconstitué pour leur donner une deuxième vie. Il se fait l’archéologue des éléments délaissés, en reconstituant, et rassemblant. L’installation nous invite à réfléchir sur la notion de blessures et de fractures dans l’histoire des cultures et des représentations.
Quand on questionne l’artiste sur sa démarche, il répond, « après l’annonce de la démolition de la prison il m’est paru évident de garder des traces, des prélèvement de ce lieu. C’est une démarche que j’avais déjà effectué auparavant dans d’autres prisons et hôpitaux désaffectés. »
Son bel ouvrage La Santé répertorie aussi bien des photographies de l’intérieur que de l’extérieur, accompagnées des citations glanées sur les murs, le photographe dira « l’exposition restitue des fragments de textes, d’images et d’histoires de ceux qui se trouvèrent à l’intérieur de ces murs. Elle dresse un état du monde vu de la cellule et confère à la détention un récit du dedans. »
Raphaël Dallaporta, le regard dans un lieu caché
Photographe français né en 1980, Raphaël Dallaporta s’est formé aux Gobelins – l’école de l’image, à Paris (2000-2002) et à la Fabrica en Italie (2002-2003). Pensionnaire en 2014-2015 de l’Académie de France à Rome – Villa Médicis, lauréat de l’ICP Infinity Award 2010 à New York, il a notamment exposé aux Rencontres internationales de la photographie d’Arles ou au Musée de l’Elysée à Lausanne (Suisse). Les sujets qu’il aborde relèvent des préoccupations humaines, chacun de ses projets à été finalisé par une publication monographique.
La visite de cette grotte Chauvet c’est aussi la découverte des premiers dessins de l’Humanité. Pendant plus de 20 000 ans avant d’être découvert en 1994, ces traces ont été naturellement conservées et aujourd’hui accessibles uniquement aux scientifiques et autres exceptions.
C’est en étant le lauréat d’un concours photographique que l’artiste a le privilège de découvrir cet espace mystérieux. Pour monter ce projet il a alors imaginé un dispositif de prise de vue automatisé permettant de capter les nombreux détails et rendre compte des volumes impressionnants présents dans l’espace confiné. La visite d’une grotte est une expérience sensorielle unique, à la fois sonore, olfactive et visuelle.L’artiste nous immerge alors dans cet univers, on peut alors parler de retranscription d’une expérience totalisante. L’installation au CENTQUATRE-PARIS est immersive, se fait pas à pas, amène au silence, amenant le visiteur à se déchausser et s’installer à même le sol pour être présent au spectacle qui se déroule devant lui.
Sur grand écran, les prises de vues en noir et blanc défilent, accompagnée d’une composition sonore spécialement conçue pour le projet. L’artiste explique que ces images en mouvement sont comme « une métaphore du mouvement du monde, de la rotation de la terre et des planètes, référence à l’hypothèse anthropologique selon laquelle les cavernes et le cosmos seraient reliés ». Les dessins nous paraissent de façon spectaculaire, lentement, avec une progression des contrastes et de luminosité.
« Une grotte nécessite d’être traitée avec une infinie retenue : comme un paysage, un espace naturel qui anime un sentiment profond de l’immémorial en nous. »
Deux expositions singulières et étonnantes, qui donnent à voir l’invisibilité, à allez voir au plus vite !
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